Frédégonde et Brunehaut, deux reines assoiffées de pouvoir… et de sang !

L’histoire d’aujourd’hui se situe à la charnière des Ve et VIe siècles — en pleine époque mérovingienne — au bon vieux temps des rois chevelus. Débarquons en 561 tandis que Clotaire Ier, le dernier fils de Clovis, vient de mourir en laissant ses quatre héritiers se partager le regnum francorum, le royaume des Francs.

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Le regnum francorum en 561. [Atlas, Paul Vidal de La Blache, 1894.]

Ainsi, à Sigebert (en vert) est donné le royaume de Reims, Gontran (en violet) reçoit le royaume d’Orléans et de Bourgogne, Caribert (en rose) devient roi de Paris et d’Aquitaine, tandis que le demi-frère Chilpéric (en jaune) prend possession du royaume de Soissons. Avec cette drôle de configuration, vous pouvez vous en douter, c’est vite parti pour la guéguerre ! Mais ces petites rivalités de territoires auraient probablement été bien moins sanglantes sans la fureur et la détermination de deux femmes, j’ai nommé Frédégonde et Brunehaut, deux jolis minois animés d’un égal désir de gouverner.

Permettez-moi d’introduire la première de ces demoiselles, la jeune et pétulante Frédégonde (~545-597), une simple femme du peuple dotée d’une très grande beauté. C’est grâce à son charme ravageur que la jouvencelle se retrouve concubine du roi Chilpéric qu’elle rêve d’épouser afin de prendre la place de la reine Audovère dont elle est la servante. Ce genre de fantasme appartient d’ordinaire aux contes de fées, mais méfiez-vous, sous ses airs de petite paysanne naïve la belle Frédégonde dissimule une ambition sans bornes…

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Frédégonde, par Pujol de Mortry, 1788.

 

Alors que Chilpéric est parti guerroyer contre les Ougres, son épouse Audovère, femme douce, bonne et d’une grande piété, donne naissance à une jolie petite fille. Le Liber historiæ Francorum, le Livre de l’histoire des Francs, rapporte que le jour du baptême de l’enfant, la marraine attitrée ne se présente point et l’on attend un bon moment avant de décider que la première chrétienne venue dans l’assistance fera très bien l’affaire pour remplacer la marraine. C’est là qu’entre en scène Frédégonde, notre roublarde de service, en convainquant la reine de jouer le rôle de la marraine, histoire d’en finir au plus vite et d’aller joyeusement banqueter ! Sans se méfier, la reine acquiesce et s’exécute, brandissant la petiote au-dessus des fonts baptismaux tandis que l’évêque prononce les paroles sacrées. Et bim ! voilà la pauvre Audovère tombée en plein dans le traquenard de Frédégonde. Je m’explique : le droit canon en ce temps-là interdisait formellement à une mère d’être la marraine de son enfant pour la bonne et simple raison que si celle-ci venait à mourir il n’y aurait plus personne pour veiller sur le malheureux orphelin. Et comme la vie est cruelle, il y a aussi une autre loi qui interdit à un père de s’unir charnellement avec la marraine de sa fille ; ce qui paraît somme toute normal. Vous y êtes ? Vous avez saisi l’entourloupe ? J’ai appelé cela une frédégondade (une mienne invention) et vous verrez que ce ne sera pas la dernière…

Du coup, quand Chilpéric — tout gaillard — revient sur ses terres, il est accueilli par une farandole de jeunes filles enguirlandées de fleurs qui chantent ses louanges avec à leur tête — devinez ! — la sémillante Frédégonde. On raconte alors que la belle, du haut de sa vingtaine d’années, se serait approchée du roi pour lui moucharder l’erreur fatale commise par son épouse : « Cum quâ dominus meus rex dormiet hac nocte ? quia domina mea regina commater tua est de filia tua Childesinde ». Ce qui signifie : « Avec qui mon seigneur couchera-t-il cette nuit, car la reine, notre maîtresse, a été aujourd’hui la marraine de sa fille Childeswinde ?». Mais quelle sacrée… « garse » ! Cette épithète ne vient pas de moi, elle lui a été attribuée par Ronsard — l’« Homère gaulois » — et vous comprenez maintenant pourquoi. Bref… Pas plus inquiet que cela, Chilpéric, qui n’était pas du genre continent et qui n’aimait pas se prendre le chou, lui aurait répondu jovialement : « Si cum illa dormire nequeo, dormiam tecum ». Je traduis : « Si je ne peux coucher avec elle, je coucherai avec toi ». Allez hop ! Quant à la reine Audovère, chassée du lit royal après avoir donné tout son amour et quatre enfants à Chilpéric, celle-ci est condamnée à prendre le voile et à se retirer avec son nouveau-né au couvent. Affreuse histoire, certes, mais ne commencez pas à vous émouvoir sur ces menues frédégondades parce que nous ne sommes vraiment, mais alors vraiment pas au bout de nos peines !

Chilpéric n’a donc plus d’épouse et doit se remarier. Il lui faut du grandiose, une fille de roi par exemple, comme la charmante princesse wisigothe Brunehaut (~543-613), fille du roi Athanagilde, que vient d’épouser son demi-frère Sigebert et dont il jalouse secrètement l’union.

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Mariage de Sigebert et Brunehaut, Grandes Chroniques de France, BNF MS Fr 2610, f. 66, XVe siècle.

Ah… Brunehaut ! Brunehaut ! Présentons-là, elle est délicieuse, pleine d’esprit, de grâce et d’élégance, disons que c’est une voluptueuse créature. Qu’à cela ne tienne, Chilpéric — gros jaloux — demande la main de la sœur aînée de Brunehaut, l’imposante et dodue Galswinthe. Cette dernière est une femme douce et vertueuse, mais au physique quelque peu ingrat, comme le rapportent les chroniqueurs. En 567, le mariage royal est célébré, mais la malheureuse Galswinthe, épousée uniquement pour son rang et sa dot, est finalement retrouvée quelques mois plus tard, étranglée et poignardée dans le lit conjugal. De cette sombre affaire de meurtre que l’on tenta de faire passer pour un accident, il semblerait que notre Frédégonde ne soit pas tout à fait étrangère… Comble du sordide, la semaine suivante, Chilpéric qui a rongé son frein pendant trop longtemps épouse enfin Frédégonde, sa belle concubine alors enceinte jusqu’aux yeux de son enfant (ou peut-être est-ce l’enfant de Landéric de Latour, à moins qu’il ne soit du prélat Bélérane ? On ne sait pas très bien, Frédégonde était très caressante avec les membres de la cour…).

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Chilpéric étranglant Galswinthe, Grandes Chroniques de France, BNF MS Fr 2813, f. 31r, XIVe siècle.

En apprenant la mort de sa sœur et les circonstances lugubres du drame, Brunehaut entre dans une colère des plus noires et jure la ruine de Frédégonde, cette infâme nouvelle belle-sœur. Ou peut-être est-ce un prétexte pour se lancer dans une impitoyable guerre de territoire afin de dépouiller Chilpéric de son royaume ? Il faut savoir que quelques années plus tôt, en 567, lorsque Caribert était mort sans laisser de descendance mâle, les terres de ce dernier avaient été redistribuées entre les trois autres frères qui tous lorgnaient jalousement sur les domaines royaux du territoire parisien. Paris fut ainsi divisée en trois parts afin que chacun en obtienne une parcelle. Si Brunehaut et Sigebert récupèrent la Neustrie de Chilpéric et Frédégonde, il ne restera plus que la Bourgogne de Gontran à rafler pour posséder l’ensemble du royaume des Francs. Hé ! hé ! maligne…

Toujours est-il qu’une lutte acharnée et sans merci débute entre les deux royaumes rivaux et les deux jouvencelles. Brunehaut supplie son époux Sigebert de venger l’honneur de sa sœur et d’entrer en guerre contre Chilpéric, c’est le coup d’envoi de la faide royale (570-613). Au Moyen Âge, la faide est un système de vengeance privée de tradition germanique autorisant deux familles à se combattre en cas d’offense. Celle-ci va se transformer en une véritable guerre entre la Neustrie et l’Austrasie. Après cinq années de conflit, Sigebert envahit finalement les terres de Chilpéric en 575 et mène avec brio un siège contre la ville de Tournai où s’était réfugié Chilpéric. Ce dernier se voit obligé de se rendre et de céder de nombreux territoires à son frère. Mais Sigebert n’a pas le temps de savourer sa victoire qu’il est sauvagement assassiné à Vitry-en-Artois alors qu’il s’apprêtait à prendre possession des terres de son frère vaincu. Selon Grégoire de Tours, ce sont deux sicaires à la solde de Frédégonde qui assassinèrent le brave Sigebert à coups de scramasaxes dont les lames avaient été empoisonnées. Comme on ne doit jamais manquer une occasion de s’instruire, apprenez qu’un scramasaxe est une sorte de glaive de combat qui aurait donné son nom au verbe massacrer. Poursuivons…

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Assassinat de Chilpéric, Roman de Renart le contrefait, XIVe siècle.

Brunehaut est à Paris avec son fils Childebert âgé de cinq ans lorsqu’elle est avertie de la mort de son mari. Se sachant en grand danger, elle parvint à faire échapper le bambin dissimulé dans une corbeille et glissé à l’aide de cordes par une fenêtre. Escorté jusqu’à Metz par le général des troupes de Sigebert, le petit Childebert y est proclamé roi par les princes et seigneurs d’Austrasie tandis que Brunehaut est exilée à Rouen sur les ordres de Chilpéric. C’est là que l’impensable se produit : Mérovée, second fils de Chilpéric, envoyé par ce dernier prendre possession du Poitou passe par Rouen, croise sa tante Brunehaut, et en tombe follement amoureux (je vous avais bien dit qu’elle était jolie). C’est un véritable coup de foudre — ou de folie ! – et Mérovée l’épouse séance tenante. Inutile dès lors de préciser que ce cher ange, en épousant sa tante et ennemie jurée de la famille, devient directement le dernier des traîtres aux yeux de son propre père Chilpéric et de toute sa famille. Ensuite, tout fout le camp ! En 577, Mérovée, que son père avait tout d’abord fait tonsurer et ordonner prêtre afin qu’il ne puisse jouir de son mariage avec Brunehaut, est finalement attrapé avec ses compagnons sur les ordres de sa marâtre Frédégonde. Ses acolytes sont soumis aux plus odieux supplices tandis que Mérovée parvient à se suicider avant que le courroux de sa belle-mère ne s’abatte sur lui, il avait vingt-sept ans. Requiescat in pace.

En 580, la mort vient frapper les deux enfants en bas âge de Frédégonde, Dagobert et Chlodebert, qui succombent à la dysenterie ravageant alors le royaume. Frédégonde est sous le choc, inconsolable. Enfin… il est tout de même une chose qui pourrait la solacier : elle demande donc à Chilpéric d’envoyer Clovis (dernier enfant qu’il lui reste de son union avec sa première épouse Audovère) au château de Braine où règne la contagion dans l’espoir que son fils périsse. Comme on dit, le malheur des uns fait le bonheur des autres… Et que ne ferait pas Chilpéric pour les beaux yeux de Frédégonde ? La déesse demande un sacrifice, son serviteur s’exécute et envoie son fils Clovis à la mort. Manque de chance, Clovis ne meurt pas ! Il est même en pleine forme et il a le malheur de fanfaronner, faisant remarquer à tout le monde que par la mort de ses frères il demeure désormais le dernier héritier du royaume. C’était une mauvaise idée Clovis. Une très mauvaise idée. Hop ! Frédégonde se remet en selle : elle machine une intrigue infernale à l’encontre de Clovis, parvient à le faire accuser de la mort de ses deux jeunes frères et demande à Chilpéric de lui livrer son meurtrier de fils. Chilpéric, toujours aussi minable, abandonne Clovis à Frédégonde qui le fait enfermer dans des geôles où elle le fera poignarder tout en s’arrangeant pour que ce meurtre passe pour un suicide.

Ouf ! Frédégonde respire de nouveau, elle va pouvoir faire le deuil de ses enfants. Paisiblement. Non, je plaisante ! Il me reste encore quelques frédégondades à vous conter… J’ai par exemple oublié de vous parler de Basine, la fille de Chilpéric et Audovère. Frédégonde, elle, ne l’a pas oubliée. Après avoir fait tuer Clovis, elle envoie quelques-uns de ses hommes auprès de Basine pour la violer copieusement afin qu’elle perde du même coup son honneur et tous ses biens, l’écartant ainsi à tout jamais de la succession royale. La pauvrette finira nonne au couvent de Sainte-Croix. Et Audovère dans tout ça ? Nous l’avions laissée dans son couvent où elle est recluse depuis l’épisode stupide du baptême. Elle n’ira malheureusement pas beaucoup plus loin puisque c’est là que nous la retrouvons en 580, égorgée par un sbire de Frédégonde quelque temps après le viol de Basine.

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Audovère, première épouse de Chilpéric, reine des Francs, RMN.

Année 582 — un peu de poésie dans ce monde de brutes — Frédégonde, qui ne s’arrête pour ainsi dire JAMAIS, accouche de Théodoric. Mais le pauvre marmot est emporté par la dysenterie peu de temps après sa naissance et Frédégonde, que Grégoire de Tours a surnommé la sorcière du Nord, devient folle de rage. Sur un accès de fureur, elle fait tuer plusieurs femmes de Paris, les unes brûlées vives, les autres rouées… Dans cette histoire, il y a aussi le préfet Mummolus, qui aurait vraiment dû tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de se vanter, après coup, d’être en possession d’un remède contre la dysenterie. Vous ne pouvez décemment imaginer les tourments que Frédégonde fit endurer à ce pauvre bougre, suspendu par les mains à une solive puis frappé jusqu’à épuisement (des bourreaux !) qui finirent par décider de lui planter des aiguilles entre les ongles des mains et des pieds. Gourmand, croquant.

En mai 584, rebelote, Frédégonde donne naissance au petit Clotaire II, un joli bébé rose et mignon, mais cela ne suffit pas à attendrir son cœur de pierre. En septembre de la même année, elle fait tuer Chilpéric, le royal père de l’enfant, alors qu’il rentrait d’une chasse. Il semble que Frédégonde soit hors de contrôle, son désir de gouverner l’aveugle et elle frappe en tous sens telle une furie. En 586, elle ira jusqu’à faire tuer — en pleine messe — Praetextat, l’archevêque de Rouen qui avait marié Brunehaut et Mérovée et qui n’eut pas le temps de praetexter quoi que ce soit… En 589, Frédégonde tente de tuer sa propre fille Rigonde âgée de vingt ans, le premier enfant que lui a donné Chilpéric en 569. Rigonde, il faut le dire, détestait sa mère et le lui faisait savoir ; aussi les disputes étaient violentes. Mais Rigonde était promise en mariage à Reccared, l’héritier du roi wisigoth d’Espagne, et s’apprêtait donc à quitter enfin les jupes de sa mère. Malgré tout, un beau matin, Frédégonde craque et, manquant à tous ses devoirs de mère, fit mine « de vouloir lui donner ce qui restoit des trésors de son père, & au moment où Rigonde avoit la tête avancée dans un des coffres qui les contenoit, Frédégonde referma le coffre, en lui pressant la tête avec violence pour l’étouffer ». Rigonde ne mourra pas sur le coup, mais quelque temps plus tard dans des circonstances inconnues.

Pendant ce temps-là en Austrasie, la veuve Brunehaut, celle-là même qui avait fait élever des hôpitaux, des églises, des monastères et restaurer les routes romaines s’est peu à peu laissée ronger par la folie du pouvoir. Devenue cruelle et tout aussi ambitieuse que sa rivale, elle fait en sorte de plonger sa descendance mâle dans le vice et la débauche afin que ces derniers ne cherchent pas à se marier et qu’elle conserve son emprise sur son royaume. Ces moyens pervers seront dénoncés par saint Colomban avant qu’il ne devienne la cible des persécutions de la belle Brunehaut. Pour le venger, Jonas, un moine de Luxeuil, la dépeint comme la plus vile débauchée et l’accuse de se prostituer. En 596 dans la petite ville de Laffaux a lieu la dernière rencontre entre les deux reines et leurs troupes pour se disputer un morceau de territoire. L’année suivante, Frédégonde meurt dans son lit après un règne long et mouvementé mais Brunehaut ne va pas trouver le repos pour autant. C’est Clotaire II, le fils de Frédégonde qui reprend le flambeau et décide de venger sa mère, une vengeance qui ne se concrétisera néanmoins que seize années plus tard.

Nous sommes donc en 613, Brunehaut est arrêtée à Orbe près du lac de Neufchâtel par Clotaire II qui fera preuve d’une cruauté sans limites à son égard. Après avoir été jugée devant le tribunal militaire de ses ennemis à Chalon-sur-Saône, la sexagénaire est abandonnée trois jours durant aux injures des soldats de Clotaire II et aux sévices des bourreaux avant d’être promenée dans tout le camp à dos de chameau. Sonne enfin l’heure de son supplice : Brunehaut est attachée — par les cheveux, un bras et une jambe — à la queue d’un cheval furieux qui l’emporte à travers bois, traînant son corps déjà fort mutilé sur les cailloux et lui fracassant le crâne. La dépouille de la reine Brunehaut fut ensuite brûlée pour empêcher quiconque de lui rendre un dernier hommage.
Cette mort atroce de la reine Brunehaut met fin à la faide qui aura duré quarante-trois ans et fait de Clotaire II l’héritier de l’ensemble du royaume des Francs.

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Mort de Brunehaut, Grandes Chroniques de France, BNF Fr 2813, f. 60v, XIVe siècle.

 

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MA BIBLIO :

7 réflexions sur “Frédégonde et Brunehaut, deux reines assoiffées de pouvoir… et de sang !

  1. Bonjour,
    Votre manière plutôt rock’n roll de raconter les histoires et l’Histoire est assez plaisante à lire.
    Aussi, permettez-moi d’apporter quelques légères précisions, éventuellement des redites, mais un peu nuancées, au sujet des ces deux grandes femmes, et sur le contexte historique absolument non négligeable.
    Le 5ème siècle qui vient de finir nous a montré l’agonie de la société antique, se débattant pour ne pas mourir, et les hommes cherchant « ailleurs » que sur terre le « Principe de vie » que le nouveau régime (catholicisme) s’efforçait de tuer. Et, dans le chaos qui en résultait, on agitait toutes les questions : la politique pour refaire les nations, sans la femme ; la philosophie pour retrouver la Vérité, sans elle ; la religion pour refaire une vie morale, sans son alliance.
    Tel est le problème qui se pose : faire une société viable sans la femme, sans son concours, sans son action, sans ses lumières !
    L’homme avait dissous toute l’antique organisation féminine, il avait Subtilisé, sophistiqué toutes les anciennes vérités, qu’il ne voulait plus admettre, et cherchait dans le chaos des idées masculines des éléments nouveaux pour refaire un monde. Recherche fiévreuse, envieuse, disputes sans fin, poursuite d’un rêve chimérique pour remplacer un idéal qui avait jusque-là élevé l’homme.
    Tout cela ne devait aboutir qu’à une décomposition du corps social.
    FIN DE LA RACE MÉROVINGIENNE
    Dans ce 6ème siècle finit cette première race des rois Francs-Saliens. Qu’étaient-ils, en résumé, et que vinrent-ils faire en Gaule ?
    Les Francs (fracasseurs, libres, braves, qui bravent) étaient les révoltés de la Germanie (Flandre, Hollande). Ils cherchaient à se répandre chez leurs voisins, parce qu’on ne les voulait plus chez eux. Ils étaient sortis de la loi comme les révoltés qui, au 8ème siècle avant notre ère, avaient fondé Rome.
    Les envahisseurs sont toujours des fils rebelles chassés de leur pays. Les Francs s’étaient massés sur la rive droite du Rhin. Ils sortaient des anciennes tribus régulières et matriarcales des Sicambres, des Bructères et d’autres.
    Sous Aurélien, ils voulurent franchir le fleuve, mais ils furent repoussés. Cependant, un peu plus tard, quelques-unes de leurs bandes purent se promener à l’aise dans l’Empire et ravager la Gaule, l’Espagne, et même l’Orient. Constance Chlore établit des colonies de Francs à Langres, à Amiens. Mais Constantin, irrité des ravages qu’ils faisaient, en jeta un grand nombre dans l’amphithéâtre de Trêves (Jeux francisques). Néanmoins, les Francs se glissèrent peu à peu dans l’Empire et arrivèrent à occuper les premiers emplois. C’est le père de Clovis qui va masculiniser la Gaule. Clovis, roi barbare, nommé Patrice (caricature des Matrices), porte la chlamyde et la tunique de pourpre comme les femmes, il garde ses moeurs barbares et fait tuer ses parents et tous les chefs francs, il meurt jeune comme tous les débauchés (à 43 ans). Ses fils se signalent par leurs crimes.
    Clodomir battit le roi des Burgondes à Saint-Maurice en Valois et le jeta avec sa femme et ses enfants au fond d’un puit.
    Clotaire fit assassiner son fils Chramne qui périt avec toute sa famille dans une chaumière de Bretagne.
    Chilpéric, qu’on appelle le bourreau de la Gaule, avait trois femmes à la fois : Galswinthe, Audovère et Frédégonde. Il était cruel comme Néron.
    Sigebert, malgré sa grande femme Brunehaut, garde les traditions barbares et conduit ses Leudes (compagnons) au pillage comme une bande de voleurs.
    Dagobert (628-638), surnommé le Salomon des Francs à cause de ses débauches, fit de sa résidence de Clichy le séjour de la plus honteuse volupté. Il mourut le 15 février 645.
    LES ROIS FÉNÉANTS
    Les descendants de Dagobert n’eurent que le nom de rois. Enfermés dans leur palais, ils furent dans la dépendance complète des Maires ; ceux-ci les sortaient quelquefois pour les montrer au peuple, qui tenait encore à avoir un roi de la race de Clovis. Ces princes, énervés par les plaisirs que les Maires leur fournirent à dessein, moururent tous jeunes et avant d’être capables de concevoir et d’exécuter quoi que ce soit.
    Cette période fut, comme la précédente, remplie par la lutte de l’Austrasie (Franc-Ripuaires – féministes) et de la Neustrie (Francs-saliens – masculinistes). Elle vit les mêmes horreurs, et l’assassinat ne cessa pas d’être le moyen préféré pour trancher les situations.
    La conclusion qui s’impose de tout ceci, c’est que les Francs-Saliens n’apportèrent dans le monde qu’un code inique et imbécile, et que des rois qui furent des bandits ou des incapables.
    Mais les femmes, qui ne participent pas à la loi du sexe masculin et ne subissent pas la déchéance sexuelle, devaient, dans ce monde barbare, relever la vie sociale par leur règne long et brillant. Le peu de civilisation qui se produisit alors leur est dû, ce qui prouve que la nature reprend toujours ses droits et que tous les codes des hommes n’empêcheront pas les lois immuables de la Nature de dominer les lois des hommes.
    LA GRANDE REINE BRUNEHAUT
    Clotaire 1er laisse quatre fils (561-613) :
    Caribert, roi de Paris, qui meurt sans héritier, grand jurisconsulte, à son sens, mais surtout prince débauché.
    Chilpéric, roi de Soissons, son royaume s’appellera la Neustrie (Normandie).
    Sigebert, roi de Reims, son royaume, l’Austrasie, est la Gaule de l’Est entre la Meuse et le Rhin.
    Contran, roi d’Orléans, royaume des Burgondes (Bourguignons), qui s’étend de la Marne à la Méditerranée.
    CHILPÉRIC
    Ce roi fut le bourreau de la Gaule Romaine ou Neustrie. Il était aussi cruel que Néron, et pédant « comme un empereur du Bas-Empire », dit un historien.
    Il eut plusieurs femmes successivement et simultanément. D’abord Audovère, puis Galswinthe ; puis en même temps sa servante Frédégonde qui le domina.
    Galswinthe est la fille du roi des Wisigoths d’Espagne, elle est douce et triste. Elle a une soeur cadette, Brunehaut, qui étale à sa cour des qualités brillantes, et qui épouse Sigebert, roi d’Austrasie.
    Frédégonde pousse Chilpéric à faire périr Galswinthe, qui est étranglée dans son lit.
    Frédégonde multiplia ses crimes. Elle fit raser la chevelure de Mérovée, un fils que Chilpéric avait eu d’Audovère (la chevelure, ornement et signe de royauté). Elle enferma Audovère dans un cloître, et fit assassiner Prétextât, l’évêque de Rouen, qui avait béni le mariage de Galswinthe avec Chilpéric. Chilpéric avait plusieurs enfants de sa première femme Audovère. Frédégonde les fit périr, et lui-même mourut assassiné par ses ordres.
    SIGEBERT
    Sigebert, roi de Metz et de Reims, capitales du royaume d’Austrasie, n’est pas non plus un modèle de vertu ; plusieurs fois, il conduit ses Leudes (fidèles) au pillage, suivant la coutume des rois barbares.
    Une lutte terrible s’éleva entre lui et son frère Chilpéric, lutte dans laquelle, dit-on, le poignard et le poison jouèrent le principal rôle.
    La femme de Chilpéric, Frédégonde, voua une haine mortelle à Brunehaut, femme de Sigebert et reine d’Austrasie.
    L’assassinat de Galswinthe, la soeur aînée de Brunehaut, par l’odieuse Frédégonde, fut le signal de la lutte entre les deux royaumes de Neustrie (Normandie) et d’Austrasie (Champagne, Belgique).
    Les Austrasiens, pour venger la mort de la soeur de leur reine, attaquèrent les Neustriens.
    Sigebert allait s’emparer de Chilpéric et de Frédégonde quand celle-ci le fit assassiner à Tournai (575). Brunehaut, d’abord prisonnière de Chilpéric, ensuite, relâchée, retourna en Austrasie où elle prit la tutelle de son fils Childebert II et régna sous son nom.
    LES DEUX REINES
    Les deux maris sont morts, tous les deux assassinés par Frédégonde.
    Ces deux femmes ennemies vont gouverner, Brunehaut en Austrasie, Frédégonde en Neustrie, au nom de leurs enfants.
    Donc, les femmes régnent chez les Francs-Saliens sous prétexte de minorité de leurs enfants.
    Le règne de Brunehaut fut glorieux. M. Léon Bernardin dit : « Les chaussées de Brunehaut furent le symbole du renouveau sur un sol défoncé par les barbares. »
    Childebert II, le fils de Brunehaut, est l’héritier de son oncle Gontran qui lui laisse le royaume des Burgondes (la Bourgogne), sur lequel Brunehaut va donc régner aussi.
    Childebert II combattit Frédégonde à Droisy, en 595 ; il fut vaincu et mourut l’année suivante, laissant ses deux fils, Théodebert, roi d’Austrasie, et Thierry, roi de Bourgogne, sous la tutelle de Brunehaut, leur grand-mère.
    Frédégonde, par la victoire de Droisy et par ses crimes, avait affermi le trône de son fils Clotaire. Elle mourut en 597, glorieuse et tranquille.
    MORT DE BRUNEHAUT
    Cette femme d’une haute intelligence, cette grande Reine, fille d’un grand roi, ayant de hautes idées, voulut appliquer ses vues élevées dans un pays encore barbare.
    Les grands masculinistes d’Austrasie, parmi lesquels Arnolf et Pépin de Landen étaient les plus puissants, se soulevèrent contre elle et organisèrent un complot pour la faire mourir, et pour cela s’unirent avec Clotaire II, roi de Neustrie.
    Brunehaut fut livrée à son ennemi avec ses quatre petits enfants.
    Clotaire, après avoir fait égorger ses quatre cousins sous les yeux de leur grand mère, reprocha à celle-ci tous les crimes qui avaient été commis pendant ces 40 années de luttes odieuses, alors qu’elle n’y était pour rien. Il la fit attacher à la queue d’un cheval indompté.
    Ainsi finit cette femme remarquable qui n’avait cessé démontrer les plus fortes qualités.
    Après sa mort, ceux qui l’avait trahie tinrent un concile, dans lequel on rédigea un Édit perpétuel, qui reconnaissait la juridiction des évêques catholiques. C’est donc pour aboutir à ce résultat, la domination du clergé, que fut commis ce crime abominable. Le supplice de Brunehaut eut lieu le 28 février 613.
    L’histoire officielle, écrite par la réaction masculiniste, innocente Frédégonde et accuse Brunehaut ; voici ce qui est dit :
    « Frédégonde régna après son mari, au nom de Clotaire II, un enfant de 5 à 6 mois.
    « Quand ce prince, élevée par une mère puissante, arriva à l’âge d’homme, il fut un roi affable et libéral, populaire et habile dans l’art de gouverner. Il avait l’esprit orné pour le temps, aimait les sciences et se piquait de politesse et de galanterie.
    « Mais il laissa les Maires du Palais prendre une trop grande influence dans les affaires. C’est ainsi que commença leur toute-puissance, et l’on vit sous Pépin de Landen, Maire du Palais, un crime horrible se produire : on fit attacher Brunehaut, âgée de 70 ans, à la queue d’un cheval indompté. » Puis, pour justifier ces bourreaux, l’histoire des hommes dira que ce fut en punition de ses crimes !
    Les modernes ont réhabilité cette grande Reine. Nous lisons les lignes suivantes dans le Magasin Pittoresque de 1833, sous le titre Supplice d’une Reine :
    « Clotaire l’accusa, dans une assemblée de Français, de crimes infâmes et d’avoir fait mourir dix rois. Plusieurs histoires présentent ces accusations comme entièrement fausses et proclament la vertu et l’innocence de Brunehaut. Sa mort fut terrible ; après l’avoir torturée pendant trois jours et l’avoir promenée au milieu des soldats sur un chameau, on l’attacha aux crins d’un cheval sauvage qui l’entraîna à travers les cailloux et les ronces. Les lambeaux de son corps furent ensuite rassemblés et réduits en cendres. » Tout le mal qui se faisait lui était attribué, parce qu’on la détestait à cause de sa supériorité. Son nom était Brunehaut ou Brunehilde.
    FIN DU RÉGIME FÉMINISTE
    Pour clore cette époque matriarcale, rappelons quelques noms des grandes femmes qui l’ont illustrée.
    Posthumius l’invincible fonde l’empire transalpin (261-271), que gouverne après lui Victoria, la Mère des camps.
    Valentinien III avait poignardé Aétius ; il fut poignardé à son tour, et sa veuve Eudoxie appela le Vandale Genséric à Rome, pour se soustraire au pouvoir de Maxime Pétrone, assassin de son mari.
    Sainte Geneviève règne pendant 40 ans sur Paris.
    Basine, reine des Thuringiens, épouse Childéric et lui donne son royaume.
    Clotilde, d’une famille burgonde (légitime), gouverne sous Clovis, qui ne fait que se battre.
    Radegonde, femme de Clotaire, règne aussi.
    Les trois femmes de Chilpéric : Audovère, Galswinthe et Frédégonde, exercent leur influence sur le roi, et la dernière règne après lui.
    Brunehaut règne en Austrasie durant 40 ans, pendant la minorité de son fils et de ses petits-fils.
    Plectrude (714) fut gérante du royaume de Neustrie et d’Austrasie pendant la minorité de son fils Théodoald, petit-fils de Pépin d’Héristal.
    Sainte Bathilde gouverna pendant la minorité de son fils Clotaire III, de 656 à 665 ; on la dit femme de Clovis II.

    Désolé pour la longueur.
    En espérant avoir apporté quelques petites pierres à votre bel Édifice.
    Partageons nos connaissances.
    https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.fr/
    Cordialement.
    P.

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  2. Salut! A un moment tu dis que Praetextis marie Brunehilde et Mérovée. Sans doute serait-il préférable d’appeller Brunehaut « Brunehaut » et non Brunehilde, on comprendrait mieux; déjà que les noms fusent

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